Étude des projets de loi en comité plénier

Une fois qu’un projet de loi a franchi la deuxième lecture, la Chambre peut ordonner son renvoi à un comité plénier et ce, soit en vertu du Règlement144, soit avec le consentement unanime de la Chambre145, soit par ordre spécial146.

Tous les projets de loi de crédits, soit ceux autorisant l’affectation de fonds du Trésor pour les dépenses du gouvernement, sont automatiquement renvoyés à un comité plénier147. Ces projets de loi sont habituellement étudiés à la fin de la séance lors du dernier jour désigné de la période des subsides quand il ne reste que peu ou plus de temps pour le débat. Le Règlement prévoit que le Président de la Chambre interrompe les délibérations à ce moment-là et mette aux voix, sans plus de débat, toutes les questions nécessaires pour mettre un terme à toutes les étapes de l’étude de tout projet de loi de crédits148. Par conséquent, l’étape en comité est habituellement très brève et quelques minutes suffisent pour faire rapport, invariablement sans amendement, des projets de loi. Par le truchement d’un ordre spécial, la Chambre procède parfois encore plus rapidement en faisant en sorte que ces projets de loi soient réputés adoptés à toutes les étapes149.

Souvent, un comité plénier étudiera des projets de loi non controversés ou qui portent sur des questions politiquement importantes, pour lesquels l’emploi du temps de la Chambre a déjà été décidé. De plus, avec le consentement unanime des députés ou par ordre spécial, la Chambre a déjà examiné en comité plénier des projets de loi urgents, par exemple pour mettre fin à une grève150. Ces projets de loi peuvent franchir deux étapes ou plus du processus législatif au cours de la même séance, du consentement unanime de la Chambre151.

Principes relatifs aux délibérations et règles du débat

Lorsque la Chambre se forme en comité plénier pour l’étude de projets de loi, la durée des interventions du premier ministre et du chef de l’Opposition n’est pas limitée152. Le député ayant la parole dispose de 20 minutes au total pour faire des observations, poser des questions et obtenir des réponses à ses questions153.

L’étude d’un projet de loi en comité plénier se fait à peu près de la même façon qu’en comité permanent, spécial ou législatif154. Ainsi, l’étude du préambule et du titre (de même que de l’article 1 s’il se résume au titre abrégé de la loi) est reportée à plus tard155. Chaque disposition, débattue séparément et suivant l’ordre numérique, fait l’objet d’une mise aux voix distincte. Habituellement, lorsque l’article 1 (ou l’article 2 si l’article 1 se résume au titre abrégé de la loi156) est mis en délibération, le comité tient un débat général (semblable à celui qui est tenu en deuxième lecture) sur les principes et les détails du projet de loi. Une fois terminée l’étude de l’article 1 (ou de l’article 2, le cas échéant), le débat doit porter strictement sur l’article mis en délibération157. Cette procédure tend à raccourcir les débats sur les autres articles. Des amendements et des sous-amendements peuvent être proposés. S’ils sont jugés recevables par le président, ils sont débattus et mis aux voix avant l’examen de l’article suivant158. Une fois qu’un article a été étudié, le président demande si on doit l’adopter159. L’article qui a fait l’objet d’une mise aux voix ne peut être débattu de nouveau durant l’étude d’un autre article. Les nouveaux articles, les annexes, les nouvelles annexes, l’article 1 (s’il se résume au titre abrégé de la loi), le préambule et le titre sont les derniers éléments qui sont étudiés160. Comme pour les comités permanents, spéciaux ou législatifs, le comité peut décider de reporter ou de réserver l’étude de certains articles161.

Quand le comité plénier a terminé son étude, le président demande la permission de faire rapport. Cette permission est souvent accordée de manière automatique, mais il se peut aussi qu’un vote soit tenu sur la motion162. Une fois la permission accordée, la masse est replacée sur le Bureau, le Président reprend le fauteuil et le président du comité plénier fait rapport à la Chambre du projet de loi, avec ou sans amendement163. Le rapport est alors reçu par la Chambre et le Président met immédiatement aux voix la motion portant adoption du projet de loi à l’étape du rapport164. Aucun amendement ou débat n’est permis à cette étape165.

Si le projet de loi est adopté à l’étape du rapport, la motion de troisième lecture peut être proposée au cours de la même séance166. Toutefois, à moins que cela soit prévu par le Règlement (par exemple dans le cas de projets de loi de crédits) ou par un ordre spécial, la motion de troisième lecture d’un projet de loi ayant franchi l’étape de la deuxième lecture au cours de la séance peut uniquement être présentée du consentement unanime de la Chambre167. Si la Chambre y consent, la motion de troisième lecture peut être proposée immédiatement, ce qui est la pratique habituelle168, ou plus tard au cours de la même séance. La troisième lecture peut aussi avoir lieu lors de la prochaine séance de la Chambre169.

Lors de l’étude d’une motion de troisième lecture, on ne peut présenter un amendement visant à renvoyer à un comité plénier un projet de loi qui a déjà été étudié par un comité permanent170. Un amendement visant à renvoyer à un comité un projet de loi limite habituellement l’étude en comité à certaines dispositions ou à de nouveaux amendements171. Parfois, il ne comporte aucune restriction172. Une fois adoptée, cette motion devient une instruction à l’intention du comité173.

Attribution de temps

Le Règlement prévoit un mécanisme, appelé attribution de temps, pour limiter la durée des débats sur les projets de loi174. L’attribution de temps permet au parti ministériel de négocier avec les partis de l’opposition en vue d’établir à l’avance un échéancier pour l’étude d’un projet de loi d’intérêt public à une ou plusieurs étapes du processus législatif, dont celle du débat en comité plénier. En l’absence d’entente entre les représentants de tous les partis ou entre la majorité des représentants des partis, le gouvernement peut également utiliser ce mécanisme pour déterminer, avec l’accord de la Chambre, une période de temps restante pour les délibérations en comité. Cette période ne peut toutefois être inférieure à un jour de séance. Dans ce cas précis, le gouvernement devra d’abord avoir donné un avis oral lors d’une séance antérieure de la Chambre. De plus, il devra se soumettre, avant la mise aux voix de la motion d’attribution de temps, à une période de questions et réponses d’au plus 30 minutes où il sera appelé à justifier le recours à cette mesure175.

L’attribution de temps à l’étape du comité plénier est rare176. Les projets de loi qui y sont renvoyés peuvent porter sur des questions politiques importantes qui ont déjà donné lieu à des ententes sur l’aménagement du temps de la Chambre ; le recours à l’attribution de temps n’est alors pas nécessaire. Aussi, la Chambre préfère souvent adopter des ordres spéciaux lui permettant de fixer rapidement des limites de temps précises pour l’examen de mesures législatives en comité plénier177. Ces ordres sont habituellement négociés entre les partis avant d’être adoptés du consentement unanime des députés.

Motions d’instruction

Les motions d’instruction viennent d’un usage britannique qui a vu le jour dans la deuxième moitié du XIXe siècle et qui a par la suite été intégré aux usages canadiens. C’est une procédure rarement utilisée. Les instructions à un comité plénier saisi d’un projet de loi sont facultatives plutôt qu’impératives, c’est-à-dire que le comité peut décider d’exercer ou non le pouvoir qui lui est conféré par la Chambre et qu’il ne détient normalement pas178. Mais si le comité souhaite lui-même élargir ses pouvoirs, il doit demander à la Chambre de lui donner une instruction à cet égard179. De nos jours, étant donné que la Chambre renvoie habituellement un projet de loi à un comité plénier pour en accélérer l’adoption, elle définit normalement les balises à l’intérieur desquelles les travaux du comité se dérouleront, au moyen d’un ordre spécial180.

Lorsque la Chambre souhaite donner une instruction à un comité plénier, une motion d’instruction peut être présentée sans préavis, immédiatement après la deuxième lecture d’un projet de loi et son renvoi au comité, mais avant que la Chambre ne se soit constituée en comité181. Il est arrivé qu’une instruction à un comité plénier soit présentée sous forme de motion de fond, sous la rubrique « Motions » pendant les Affaires courantes, alors que le comité était déjà saisi d’un projet de loi182. Une motion d’instruction peut faire l’objet d’un débat et d’amendements183.

Les députés ont déjà présenté des motions d’instruction demandant à un comité plénier de diviser un projet de loi184, de regrouper plusieurs projets de loi en un seul185, ou d’y insérer de nouvelles dispositions186. Une motion d’instruction sera jugée irrecevable si elle cherche à conférer au comité des pouvoirs dont il dispose déjà, comme celui d’amender un projet de loi187. Plusieurs motions d’instruction peuvent être proposées successivement à un projet de loi renvoyé à un comité plénier, mais chacune d’entre elles est tout à fait distincte et indépendante188. Une fois adoptée, la motion d’instruction devient un ordre de renvoi du comité.